Le véhicule hybride rechargeable : une espèce en voie d’extinction ?

Cocorico ! Pour l’éclairage historique, c’est en 1894 que le Lillois Paul Pouchain invente la première voiture électrique avec prolongateur d’autonomie (équipée d’un moteur thermique pour soulager la batterie). Capable de parcourir 70 km à près de 16 km/h avec ses passagers, l’automobile de Paul Pouchain sera retravaillée par les Anciens Établissements Pieper de Liège en 1900 qui créeront, sur cette base, la première voiture véritablement hybride.

Mais plus d’un siècle plus tard, ces véhicules peuvent-ils encore répondre aux petits enjeux (à l’échelle personnelle) et aux grands enjeux (à l’échelle planétaire) qui sont les nôtres aujourd’hui ?

Véhicules hybrides rechargeables : de quoi parlons-nous ?

Les véhicules hybrides rechargeables (VHR) sont à distinguer des non-rechargeables (MHEV pour mild-hybrid) qui ne récupèrent que l’énergie liée au freinage.

Les VHR fonctionnent grâce à du carburant fossile et de l’électricité via une batterie (de taille inférieure à celles des véhicules électriques). Ces véhicules possèdent donc un moteur thermique et un réservoir de carburant, un moteur électrique et une batterie associée (permettant de rouler entre 50 et 100 km grâce à l’énergie électrique). Ils sont donc plus lourds que des véhicules thermiques ou électriques équivalents (en moyenne 1200 kg pour un véhicule thermique de tourisme contre 1900 kg pour un VHR de même catégorie - cela tient également au fait que beaucoup de VHR sont des berlines ou des SUV).

Source : BMW

Quelles promesses nous fait le VHR ?

Présentée par les constructeurs comme « le meilleur des deux mondes », le VHR a livré un certain nombre de promesses qu’il a su plus ou moins tenir. Faisons un panorama des avantages du VHR pour mieux comprendre pourquoi cette solution présente ses limites.

Des distances plus longues et plus de flexibilité

Un VHR est capable de parcourir des distances plus longues qu’une véhicule thermique puisqu’il combine deux sources d’énergie et peut les alterner si l’une des sources se tarit. En usage mixte, le VHR est capable de rouler plus de 50 km en 100% électrique. Il est également plus autonome qu’un véhicule hybride non-rechargeable dont la batterie a une capacité plus faible.

La cible parfaite du VHR est donc un conducteur urbain, qui parcours de petites distances quotidiennes compatibles avec l’autonomie relativement faible de la batterie, et qui a besoin ponctuellement d’un véhicule capable de rouler de longues distances.

Un coût d’utilisation moindre pour l’utilisateur consciencieux

Bien que plus cher à l’achat qu’un véhicule thermique, le VHR peut représenter des économies très importantes à l’usage s’il est utilisé de la manière la plus optimale possible, c’est-à-dire s’il est chargé très régulièrement.

Si nous prenons comme exemple la Peugeot 3008, best-seller 2022 en France dans la catégorie des VHR, les données constructeur indiquent :

Modèle hybride rechargeableModèle essenceConsommation de carburant1,4L/100km6,4L/100 kmAutonomie électriqueJusqu’à 56kmConsommation de CO231g/km145g/km

Si l’on considère un prix moyen au litre de l’essence E10 de 1,90 € et une distance annuelle parcourue de 20 000 km, le modèle essence consommera environ 2500 € de carburant à l’année quand le modèle hybride n’en consommera que 540€ auxquels s’ajouteront les coûts afférents à l’électricité soient environ 2 € par recharge si le véhicule est rechargé à domicile (selon le tarif de base EDF).

A quelles réalités le VHR se confronte-t-il ?

Bien que prometteur, le VHR présente des zones d’ombres qui s’obscurcissent si le VHR est mal utilisé. Une utilisation non optimale peut conduire à un surcoût important, venant ainsi alourdir encore le prix déjà élevé du véhicule à l’achat.

Un prix à l’achat élevé

À l’achat, pour un VHR neuf, il faut compter en moyenne entre 5 000 € et 10 000 € de plus que son équivalent thermique. Dans la gamme VHR en effet, il est difficile de trouver un modèle inférieur à 30 000 €. Ce surcoût est supposé être amorti par des économies importantes à l’usage mais en dehors d’une utilisation bien précise, il est en pratique ardu d’atteindre un amortissement total.

À ce surcoût il faut ajouter une baisse fréquente de la valeur du véhicule à la revente (après 5 ans ou plus d’utilisation) : la batterie embarquée étant souvent légère, son cycle de charge/décharge est plus faible et donc sa durée de vie sera diminuée. Cela explique notamment la durée de garantie de la batterie en générale plus faible pour les VHR (en moyenne 5 ans) que pour les véhicules électriques (8 ans).

Une surconsommation de carburant fréquente

L’argument de la surconsommation de carburant des VHR est souvent avancé par les détracteurs de ce type de véhicule. Comment l’expliquer ?

Le VHR étant équipé d’un moteur thermique et d’un moteur électrique, son poids est plus important qu’un véhicule thermique ou électrique. Ce surpoids implique une forte consommation de carburant lorsque la batterie est déchargée (donc non utilisée).

En pratique, ce surpoids est aggravé par une mauvaise utilisation du VHR. Une étude de grande ampleur publiée par l’Institut de recherche allemand Fraunhofer ISI et l’ICCT (International Council on Clean transportation) a été menée auprès de 104 709 véhicules représentant 66 modèles de VHR.

Celle-ci révèle que, pour les particuliers, la consommation réelle de carburant est en moyenne deux à quatre fois plus élevée que la consommation théorique avancée par les constructeurs et trois à quatre fois supérieure pour les professionnels. Les résultats de l’étude menée en Allemagne par exemple démontre que les particuliers effectuent en moyenne 43 % de leur trajet en mode électrique contre 18 % pour les professionnels.

Ceci s’explique généralement par deux facteurs :

  • Ce ne sont pas les collaborateurs qui payent l’essence (pas de motivation financière à recharger la voiture régulièrement)
  • C’est souvent le collaborateur qui paye de sa poche la recharge à domicile (si aucun compteur n’a été installé)

Si l’on souhaite tirer une conclusion de cet état des lieux du VHR, ne mettons pas tout de suite cette solution au placard : elle peut représenter une transition intéressante avant le passage au 100 % électrique. Elle devrait néanmoins s’adresser presque exclusivement à un type d’usage, pour lequel elle se prête très bien :

  • un usage urbain ou périurbain
  • des trajets quotidiens de moins de 50 km
  • des infrastructures de recharge permettant de recharger aussi régulièrement que nécessaire la batterie du véhicule (une prise secteur au domicile suffisant largement pour recharger la batterie du VHR)
  • l’adoption d’une conduite douce.

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