Bien que le processus d'électrification des poids lourds ne soit pas encore tangible à grande échelle, on voit apparaître certains signes de la prochaine entrée des camions dans l'ère de l'électrique. Les grands acteurs du secteur (Enedis, Total, Vinci, Iveco, Man Trucks, Mercedes, Renault, Scania, Volvo et d'autres encore) sont en ordre de bataille pour préparer cette transition, notamment pour investir dans les infrastructures qui rendront cette transition possible. Le sujet reste complexe : les poids lourds seront les derniers à connaître le passage à l'électrique principalement du fait de leur consommation importante, et des longues distances qu'ils parcourent. Ceux-ci font face à des problèmes logistiques non négligeables, tels que la réglementation affectant les conducteurs, la disponibilité des aires de service et de repos, et la possibilité même de trouver la puissance et la technologie nécessaires pour les recharger. Leur électrification est cependant possible et est en plein développement, notamment en Europe, où elle doit permettre au vieux continent de respecter ses engagements climatiques (notamment le Fit For 55).

Quelles évolutions pour le parc des poids lourds ?

Actuellement, le transport routier de marchandises représente plus de 90% des flux terrestres de marchandises, et 7% des émissions de GES. D'ici à 2035, on peut considérer qu'il restera stable. En effet, l'augmentation du nombre de marchandises en circulation devrait être compensée par celle du fret ferroviaire. La part des poids lourds électriques est quant à elle de 1% du marché, avec des véhicules qui coûtent en moyenne encore trois fois plus cher que leur équivalent diesel (contre en moyenne 40% de plus pour les voitures). Ils reviendraient à environ 300 000 € pièce, pour une autonomie limitée à 300km.

Enedis a dévoilé trois scenarios d'électrification des poids lourds à horizon 2035. Le plus optimiste table sur une part de 30% du parc de poids lourds en électrique, et 12,6% de trajets longue distance effectués en électrique. Il parie notamment sur une pénalisation accentuée des émissions de GES, qui pousserait les acteurs du transport routier à verdir leur flotte. Le second scenario mise sur une part de 20% du parc électrifiée, pour 7,8% de trajets longue distance faits en électrique, et le scenario le plus pessimiste prévoit un parc électrifié à 23%, avec seulement 5,6% des trajets longue distance faits en électrique. Il prend comme hypothèse un retard technologique sur les annonces faites par les constructeurs. Ce dernier scenario affiche donc la perspective d'un parc plus électrifié que le dans le scenario médian, mais moins efficace sur les longues distances, qui seraient généralement attribuées aux véhicules thermiques. Ces trois scenarios se fondent sur l'hypothèse d'une avancée technologique permettant d'accroitre l'autonomie des poids lourds électriques. Ils se fondent sur les promesses des constructeurs comme Tesla, Scania ou Volvo Trucks de produire des camions électriques affichant plus de 500 km d'autonomie.

Si on voit se dessiner une électrification du transport routier à horizon 2030, on peut se demander si cette innovation sera la seule à bouleverser l'industrie des poids lourds dans un futur proche. En effet, bien que les voitures autonomes semblent être en perte de vitesse ces dernières années, les projets de camions autonomes seraient eux sur le point de devenir réalité. Des constructeurs, parmi lesquels MAN Trucks, sont actuellement en phase de test avancée et pourraient bientôt commercialiser une solution autonome, qui se voudrait plus fiable et respectueuse de l'environnement. En effet, l'automatisation de la conduite répond à un manque de conducteurs causé par un vieillissement de cette population, et un cas d’usage “facile” (la conduite autonome est simple à mettre en place sur des voies rapides, où circulent la majorité des poids lourds, par opposition à un milieu urbain)

Le camion électrique n'a cependant pas le monopole du “zéro émission”. Nombreux sont ceux qui ont vu dans l'hydrogène la solution au verdissement des poids lourds, et qui ont considéré avec intérêt l'avantage des piles combustibles sur les batteries. Le constructeur américain Nikola commercialise déjà cette solution, et affiche un objectif de vente de 350 camions à hydrogène au cours de l'année 2024. Le problème majeur de la solution hydrogène reste pour l'instant le manque d'infrastructures de recharge, un problème moins présent pour la mobilité électrique.

Néanmoins, cela ne veut pas dire pour autant que le réseau ne doit pas s'adapter à l'arrivée des poids lourds électriques d'ici 2035.

L'évolution des infrastructures et son impact sur le réseau

En France, les 460 principaux axes de transport routier représentent 23 000 km, avec 1 374 aires d'arrêt. Ils sont constitués majoritairement d'autoroutes et de nationales. Ces 23 000 km doivent pouvoir s'adapter au développement conjoint de l'électrification des véhicules légers et de celle des poids lourds. C'est à la fois un enjeu problématique de répartition de ressources et d'énergie, et une chance, permettant des économies d'échelle et des partage de coûts et d'investissements. L'intégration des besoins des poids lourds électriques au réseau ne devrait pas poser de problèmes, en raison des besoins relativement faibles de ces derniers en consommation d'énergie : en 2035, les poids lourds en longue distance devraient avoir un besoin de 3,5 TWh, soit 0,8% de la consommation nationale (460 TWh). Leur pic de puissance appelée devrait quant à lui atteindre 1,1 GW, à rapporter à un pic d'utilisation du réseau national de 87 GW en 2022. Les camions devraient utiliser des Megawatt Charging System (MCS), un technologie qui devrait permettre d'atteindre des pointes de puissances adaptées à leurs besoins, développée pour 2025.

En plus de la demande relativement faible qui serait exercée sur le réseau par les poids lourds électriques, on peut considérer que leurs besoins sont surtout complémentaires de ceux des véhicules légers. En effet, les jours ouvrés seraient les jours où les véhicules lourds seraient le plus demandeurs en énergie, quand ce serait davantage le cas le week-end pour les véhicules particuliers.

Aussi, les acteurs du réseau ont présenté des plans d'investissement pour s'adapter à ces besoins. Les différents scénario imposeraient l'installation de 10 000 à 6 200 points de recharge lente, et 2 200 à 1 400 points de recharge rapide. Ces estimations sont à mettre en perspective des 40 000 places de poids lourds disponibles sur les 1 300 aires considérées. Pour atteindre ces objectifs, des raccordements des aires au réseau doivent être faits, et des poste de transformation doivent être construits. Le coût de ces travaux serait de près de 630 millions d'euros.

De nombreux acteurs de l'écosystème de la recharge souhaitent donc investir dans le développement des recharges pour poids lourds. Ils sont poussés à le faire par les perspectives de développement de ce mode de transport routier, mais aussi par des acteurs institutionnels poussant à plus d'investissements verts. Ainsi, avec le règlement sur l’infrastructure pour les carburants de substitution (AFIR), la Commission européenne veut imposer un premier réseau de stations de recharge pour camions à travers l’Europe d’ici 2025.

Conclusion

Le développement des camions électriques est certes moins fulgurant que celui des véhicules légers, mais il promet une croissance rapide, accompagnée d'efforts en R&D qui permettront à cette solution écologique de gagner toujours plus en efficience.

Source : Enedis

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