Un nouveau record pour les véhicules électriques : pourquoi un tel succès ?
Bilan carbone, TCO, confort de conduite, le véhicule électrique prend le large
Sous l’impulsion des régulations et de l’évolution de la demande, le parc automobile français s’électrifie à grande vitesse : plus de 200 000 véhicules électriques ont été immatriculés en 2022, soit près de quatre fois plus qu’en 2019 !
Alors pourquoi ces milliers de français optent chaque année pour un véhicule électrique ? L’interdiction européenne de vente de véhicules thermiques à l’horizon 2035 est-elle la seule raison qui pousse les conducteurs à modifier leurs habitudes ?
Impact environnemental (1) mais aussi confort de conduite (2) et bien sûr coût pour le consommateur (3) : en se plaçant du point de vue d’un conducteur de voiture individuelle et/ou d’un véhicule utilitaire léger, nous analysons objectivement les « pour et contre » du passage à l’électrique.
1. Sur le terrain du bilan carbone, l’électrique distance le thermique en moins de 3 ans d’utilisation.
Fabrication de la batterie, métaux rares, émissions de CO2, particules fines : l’analyse du bilan carbone de son véhicule n’est pas toujours chose aisée.
Pour donner la vision la plus objective des émissions d’un véhicule, il est essentiel de comptabiliser ses émissions de gaz à effet de serre tout au long de son cycle de vie : de sa fabrication (dont extraction des matières premières) à sa fin de vie (recyclage des batteries).
Cette analyse est réalisée en prenant en référence la carbonation du mix énergétique français et nécessite d’être modifiée en fonction du taux de carbonation de chaque pays.
a. La phase de fabrication
Lors de la phase de fabrication, de l’extraction des matières premières au montage du véhicule, les émissions moyennes d’un véhicule électrique sont plus importantes que celles d’un véhicule thermique. En effet, en moyenne, la fabrication d’une voiture électrique rejette 6,57 tonnes de CO2e contre 3,74 tonnes de CO2e pour une voiture thermique. Cette différence repose en partie sur le fait que la batterie représente 45 % de l'empreinte carbone de la fabrication d'une voiture.
Rappelons pour la suite de l’article que l’émission en équivalent CO2 (CO2e) est la quantité émise de dioxyde de carbone (CO2) qui provoque le même forçage radiatif (propension à perturber l’équilibre énergétique de la Terre et donc sa température), pour un horizon temporel donné, qu’une quantité émise d’un seul ou de plusieurs gaz à effet de serre (GES).
On estime ainsi qu’en France 75 % de l’empreinte écologique de la voiture électrique se fait en amont, dans sa phase de fabrication. A noter cependant que l’impact carbone de la fabrication de batterie a évolué dans le bon sens depuis cinq ans (passant de près de 200 kgCO2e/KWh à environ 100 kgCO2e/KWh) et devrait, au regard des investissements faits dans ce domaine, poursuivre cette tendance dans les années à venir.
Source : ADEME
b. La phase d’utilisation
Si l’électrique accuse un bilan plus lourd au cours de sa fabrication, il rattrape son retard lors de sa phase d’utilisation, et plus encore si l’électricité utilisée est faiblement carbonée.
Pour comprendre le bilan carbone de ces deux types de véhicules au cours de leur utilisation et leur impact sur la santé publique, on peut schématiquement scinder les émissions en deux catégories : celles liées à l’échappement et celles liées aux particules fines.
- Les émissions de polluants CO2e
Du côté de la voiture électrique, il n’y a aucune émission de polluants à l’échappement. Ainsi, seule la phase en amont de production de l’électricité doit être considérée. Celle-ci dépend du taux de carbonation de l’énergie produite. A titre d’exemple, le facteur d’émission pour la France en 2020 était de 0,0599 kgCO2e/kWh soit 120 kgCO2e/10000km contre 1800 kgCO2e/10000km pour le véhicule thermique.
*en considérant la phase amont du carburant et de l’électrique (extraction, transport, raffinage, infrastructures)
- Les particules fines
Ce que l’on appelle « particules fines » sont des microparticules (d’un diamètre inférieur à 2,5 microns) provenant de l’abrasion des pneumatiques et des freins des véhicules. Au regard du poids légèrement plus élevé des véhicules électriques, ces derniers devraient émettre plus de particules que leur équivalent thermique.
Néanmoins, cette différence est compensée par des dispositifs de récupération d'énergie dont sont équipés les véhicules électriques (sollicitant moins les freins) si bien que les émissions de particules fines sont sensiblement les mêmes entre les deux types de véhicules
Source : Carbone 4, Les idées reçues sur la voiture automatique
c. La phase de recyclage
Pour avoir un bilan carbone complet et comptabiliser les émissions des deux types de véhicules tout au long de leur cycle de vie, il est important d’analyser la phase de recyclage.
D’après Ooreka, les voitures thermiques seraient recyclées à 82 % de leur masse lorsqu’elles sont mises à la casse. La différence d’impact de la fin de vie des véhicules thermiques et électriques tient donc au recyclage des batteries.
Ce sujet est encore nouveau puisque les premières voitures électriques mises sur le marché arrivent actuellement en fin de vie. Deux techniques existent :
- Donner une seconde vie aux batteries : transformation en solution de stockage d’énergie pour les particuliers par exemple.
- Récupérer les matières premières : les techniques actuelles sont capables de récupérer 95 % des matières premières présentes dans les batteries Litium-ion. Il est par ailleurs obligatoire pour les fabricants de batterie de recycler au moins 50% de ses composants.
Ainsi, si l'on tient compte de la pollution émise lors de la fabrication, l'utilisation et la fin de vie des véhicules électriques et thermiques, il faut entre 30 000 et 40 000 km pour que leur bilan carbone s'équilibre, soit 2 à 3 ans d’utilisation moyenne (le kilométrage moyen d’un véhicule immatriculé en France étant de 12 200 km par an).
Passé ce kilométrage, le bilan des véhicules électriques est nettement meilleur que celui de son équivalent thermique, une différence plus que significative lorsque l’on sait que la durée de vie moyenne d’une voiture dépasse les 200 000 km.
Cela étant dit, quel est l’impact de ces bilans carbone sur la santé publique ?
Les transports sont la cause d’une large partie de la production de gaz à effet de serre (29 % environ) et les voitures sont responsables, à elles seules, de plus de la moitié de ces émissions. Sont principalement concernées les voitures personnelles (les poids lourds et les véhicules utilitaires viennent ensuite).
Ainsi, au regard du fait que la pollution de l’air cause 40 000 décès prématurés par an en France (soit 9 % de la mortalité) et une perte d’espérance de vie pouvant dépasser 8 mois à l’âge de 30 ans, la question du choix de type de véhicule n’est plus tout à fait anodine.
Source : Santé publique France
2. Sur le terrain du confort de conduite, le véhicule électrique garde son équivalent thermique dans le rétroviseur.
L’analyse environnementale des deux types de véhicule prouve indiscutablement les bienfaits du passage à l’électrique. Mais qu’en est-il du confort de conduite ?
En interrogeant des conducteurs de véhicules utilitaires légers en région parisienne, la grand majorité se déclarent séduit par le confort de la boîte automatique (dont est toujours équipé l’électrique).
En effet, les arrêts fréquents en ville au volant d’un véhicule à boîte manuelle peut devenir très inconfortable générant des troubles musculaires et les sollicitations trop importantes des articulations. Les grands conducteurs (taxis, coursiers, routiers) sont fréquemment sujets à des tendinites et des douleurs au genou gauche ou au poignet droit.
Aussi, l’une des principales différences entre le thermique et l’électrique est l’absence totale de nuisance sonore liée au moteur. En effet, le moteur électrique fonctionne sans aucun bruit contrairement au moteur thermique. Néanmoins, il faut noter que passée une vitesse de 30 km/h, cet avantage n’est plus si significatif puisque les bruits découlant du frottement de l’air et de la chaussée prennent le dessus.
Le moteur électrique (et l’absence de vibration qui en découle) permet donc de diminuer considérablement les bruits en zone urbaine. Une étude menée par des chercheurs de l’Université de York a par exemple prouvé que la conduite de véhicules électriques avait un réel impact sur la diminution du stress des usagers (étude réalisée via l’enregistrement de données récoltées grâce à des électroencéphalogrammes placées sur des chauffeurs de taxis londoniens).
Ce changement de comportement au volant d’un véhicule électrique a également été analysé lors d’une étude menée en collaboration avec des sociétés d’assurance et de location de véhicules électriques.
Cette analyse observe une réduction des incivilités, des comportements dangereux et des accélérations au volant de voitures électriques. Cette réduction du risque d’accident et l’absence des émissions de CO2 des véhicules électriques expliquent en partie les coûts d’assurances en moyenne moins élevés pour une voiture électrique (environ 24% moins cher pour une assurance au tiers au volant d’une voiture électrique et 18,5% pour une assurance tous risques)
3. Sur le terrain du coût de détention (TCO), le véhicule électrique garde encore sa longueur d’avance
Suivant la même logique que celle des émissions de CO2, les coûts liés à l’achat d’un véhicule électrique sont supérieurs à ceux d’une voiture thermique mais sont contrebalancés par un coût d’usage bien moins élevé.
a. Le coût d’acquisition
A catégorie, modèle et autonomie égaux, un véhicule électrique coute plus cher à l’achat qu’un véhicule thermique.
Selon un rapport de France Stratégie, le surcoût à l’achat d’une citadine de segment B électrique est de 16 000 € en moyenne, il est d’environ 10 000 € pour un SUV de segment C. Cela est dû notamment au prix de la batterie (environ un tiers du prix du véhicule) et aux investissements des constructeurs en recherche et développement qui se répercutent sur le prix d’achat.
Pour pallier ce différentiel de prix et inciter le consommateur à se diriger vers l’électrique, un certain nombre de subventions ont été mises en place par le gouvernement français :
Les plus du bonus écologique
Le bonus écologique concerne les véhicules électriques et/ou à hydrogène neufs de moins de 2,4 tonnes (ou de moins de 3,5 tonnes pour les camionnettes) dont le prix d’acquisition est inférieur à 47 000 €.
Sous ces conditions, l’acheteur d’une voiture particulière peut bénéficier d’une aide de 27 % du coût d’acquisition du véhicule (TTC) plafonnée à 5 000 € pour les personnes physiques et 3 000 € pour les personnes morales.
Pour l'achat de véhicules de type camionnette neuve, le montant de l'aide est fixé à 40 % du coût d'acquisition (TTC), dans la limite de 6 000 € pour une personne physique, 4 000 ****€ pour une personne morale.
Zoom sur la prime à la conversion
Cette aide peut être cumulée au bonus écologique. Elle est accordée, sous conditions de revenus lors de l'achat d'un véhicule peu polluant en échange de la mise à la casse d'un ancien véhicule diesel ou essence.
En fonction du revenu de référence, la prime à la conversion se présente comme suit :
Ainsi, le cumul de ces aides permet en moyenne de ramener le surcout à l’achat d’une citadine de segment B électrique à 8 800 € et à seulement 660 € pour un SUV classe C.
b. Le coût d’utilisation
Si le prix d’accès à un véhicule électrique est plus élevé que celui d’une voiture thermique, ce différentiel est compensé par le coût à l’usage. Carburant utilisé mais aussi entretien et assurance : le conducteur d’une voiture électrique se retrouve gagnant.
Coût de l’énergie utilisée
Le prix d’une recharge électrique dépend bien évidemment du fournisseur d’électricité, de la puissance de la batterie, de la période de chargement (heures pleines ou creuses) et du type de recharge (recharge à domicile ou bornes publiques).
En effet, le prix d’une recharge d’un véhicule électrique varie considérablement selon le type de recharge (se recharger à domicile ou sur une borne rapide peut faire passer le coût de la recharge de 100km de 2€ à plus de 10€ dans le pire des cas) ce qui explique la nécessité de prendre en compte la nature de la solution de recharge lors du passage à l’électrique.
En moyenne néanmoins, pour 100 km parcourus, il faut compter un peu moins de 3 € de recharge électrique contre plus de 8 € d’essence.
Entretien du véhicule
Pas de courroie, de système d’embrayage, de durite : les véhicules électriques présentent bien moins de composants à usure rapide et donc nécessitent moins d’entretien. On estime les coûts d’entretien d’un véhicule électrique 20 % à 40 % moins élevés que ceux de son équivalent thermique et les visites techniques espacées de 10 000 à 15 000 km de plus !
Pour y voir clair parmi tous ces coûts, il faut analyser le TCO, Total Cost of Ownership ou Coût Total de Détention en bon français.
Il s’agit ici d’agréger tous les coûts - acquisition, énergie, taxes, intérêts, assurance et entretien - afin de comparer objectivement les deux types de véhicules.
La dernière édition du Car Cost Index* élaborée d’après une étude menée sur 33 modèles de véhicules (citadines, SUV, grandes routières) dans 22 pays révèle que le TCO du modèle électrique en France écrase celui du modèle thermique. On en veut pour exemple ces trois modèles standards de véhicules individuels :
*Car Cost Index : Index annuel développé par Leaseplan au 31 décembre 2022.
Merci d'avoir lu notre article !
Sources:
Pollution de l’air ambiant : nouvelles estimations de son impact sur la santé des Français. (14 avril 2021). Santé Publique France
Quel est le bilan carbone d’une voiture thermique ? (29 septembre 2022). https://greenly.earth/fr-fr/blog/actualites-ecologie/empreinte-carbone-voiture-thermique
Quelle est l’empreinte carbone d’une voiture thermique vs électrique ? (2023) Hello Carbo. https://www.hellocarbo.com/blog/calculer/empreinte-carbone-voiture/
Les idées reçues sur la voiture électrique | Carbone 4 https://www.carbone4.com/analyse-faq-voiture-electrique
Pourquoi le véhicule électrique offre un meilleur confort de conduite ? (4 avril 2023). Zeplug. https://www.zeplug.com/blog/pourquoi-le-vehicule-electrique-offre-un-meilleur-confort-de-conduite/
Electric vehicles are more cost competitive than ever. LeasePlan. (16 décembre 2022) https://www.leaseplan.com/en-ix/blog/tco/2022-car-cost-index/